Nous émettrions seulement un voeu complémentaire : c'est que l'on tentât aussi d'autres systèmes que l'hélice, par exemple des appareils à réaction, et surtout que l'on fit sur une grande échelle quelques applications à des oiseaux artificiels "plus lourds que l'air". Il est permis de conjecturer que l'aéronautique actuelle conduira plus ou moins directement à l'aviation.
Au point de vue militaire et pratique, il y a là une question de haute importance. Ce sera là, assurèment, le meilleur fruit du militarisme passé, présent et futur. Sans doute, malgré l'estime profonde que nous inspirent les personnes des capitaines Renard et Krebs et la vive admiration que nous éprouvons pour leurs travaux, on peut regretter qu'ils appartiennent au corps de l'armée, et que le but actuel de ces belles recherches soit de servir aux instincts les plus grossiers de la race humaine. Peut être même le penseur doit-il craindre de voir la conquête des airs définitivement acquise avant la suppression des armées permanentes, et doit-il regarder avec épouvante les terribles résultats que cette innovation nous prépare : batailles navales aériennes, pluies de feu, d'hommes et de sang, choc des armées dans un effondrement général, piraterie nouvelle et sans limites régnant dans l'atmosphère entière, et, quelque jour, après une année de trêve sinistre, des millions de vautours humains s'abattant sur une contrée pour y semer la mort et la barbarie... Oui, peut être cette découverte arrive-t-elle trop tôt, car, à parler franchement, la prise de possession de l'empire des airs serait prématurée tant qu'il y aura des frontières et des divisions nationales.
Et bien, non ! Ayons foi dans le progrès. Le monde marche. L'humanité commence à penser. La navigation aérienne précipitera la solution du grand problème social qui se pose magistralement aujourd'hui entre tous les peuples. Les divers gouvernements consentiront peut-être à s'avouer qu'ils sont idiots. Il y aurait là de la grandeur d'âme et de la noblesse. Jamais ils n'auraient dit si vrai, et jamais ils n'auraient été si grands. Et le résultat de cette aveu serait la richesse publique, la paix du monde, la lumière et la liberté.